Bismillah r Rahmân r Rahîm
Allahumma sali 3ala Muhammad wa ali Muhammad wa ajil farajahum Ya Karim
Afin de mettre fin aux abjectes interpretions de ce verset :
« وَ اللاّتي تَخافُونَ نُشوزُهنُّ فَعِظُوهنُّ وَ اهجِروهُنُّ فِي المضاجِع وَ اضرِبوهُنُّ »
(Coran, sourate 4, verset 34)
«
...Celles de qui vous craignez l’insoumission, faites-leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les... » (verset 34 sourate An Nisa)
voici un extrait du livre : "Droit de la femme, remarque sur deux versets coraniques" de Sayyed Mujtaba Moussavi Lâri.
Il est possible que le verbe zaraba, traduit ici par corrigez-les, consiste dans le fait même de se séparer d’elles, de les bouder et de ne pas leur prêter attention.
Le verbe zaraba ou le radical ZRB possède en effet plusieurs acceptions.
L’une signifie le fait de se séparer, de rejeter quelque chose, comme l’expression zaraba al-dahru baynanâ qui littéralement signifie ‘‘
le temps nous a frappés’’ mais où le verbe zaraba est employé dans le sens de séparer, et qui signifie donc ‘‘
le temps nous a séparés, a dressé un mur de séparation entre nous’".
L’autre sens que véhicule le verbe est celui de se montrer indifférent, de ne pas prendre en compte, comme de dire à propos d’une proposition non logique «
frappe-la (lance-la) contre le mur », c’est à dire
ignore-la.
Ceci nous permet de porter un autre regard sur le verbe zaraba qui se trouve employé dans le verset et que le traducteur (ici Jacques Berque) a traduit par « corriger ».
Dans ce noble verset aussi cette acception peut être prise en compte, car le mot est employé pour désigner
une sorte de séparation, d’éloignement soudain, en tout cas quelque chose qui ne se fasse pas de façon graduelle, qui intervient brusquement comme dans le cas d’une séparation entre les époux qui intervient après que les deux premières recommandations se soient terminées sans résultat probant, et qui consistent à faire la morale, puis à déserter provisoirement le lit conjugal.
Ces deux premières tentatives suffisent parfois à ramener l’épouse à la raison.
Nous pouvons donc paraphraser le verset ainsi : «
Lorsque l’épouse n’accomplit pas ses devoirs conjugaux, et qu’elle manifeste de l’insoumission, il incombe à son mari de tenter de la guider par la raison, puis de la laisser seule, et en troisième étape de l’abandonner totalement".
Cet abandon total ne signifie pas ici divorce, mais seulement le fait de déserter la couche conjugale et de ne plus adresser la parole à l’épouse.
Le verset indique bien trois étapes, la troisième étant la plus dure, la plus sévère, car elle suspend le lien affectif avec l’épouse, ce qui signifie sa mise au ban de l’environnement du milieu familial, en tant que mesure ferme pour la ramener sur la voie de la raison et la contraindre à assumer ses responsabilités.
Si nous prenions le verbe dans son sens courant de frapper pour interpréter le verset, en ce sens que l’homme recourrait à l’emploi de la force afin de ramener son épouse à la raison, à lui faire changer de comportement, ce sens, pour des raisons que nous allons examiner, ne serait pas acceptable car il permettrait nullement à l’époux d’atteindre son objectif.
1- Dans les ouvrages de droit, il est expressément affirmé que la correction corporelle qui causerait des lésions apparentes sur le corps de la femme n’est pas permise.
Ceci d’une part. D’autre part, on ne peut pas savoir jusqu’à quel degré une correction physique légère peut être effective et détourner l’épouse rétive et désobéissante de la voie qu’elle empruntait.
Ce qui au sujet de l’insoumission recueille le plus l’attention des jurisconsultes, c’est le cas ou la réaction de l’époux serait de suspendre la pension, non le fait de la battre ou de lui infliger une correction corporelle.
En général, les spécialistes du droit se sont peu intéressés à l’étude détaillée du sujet de la correction, et se sont très peu penchés sur les points de détails de cette question comme le nombre de coups, le nombre de fois qu’il faudra répéter la correction, les cas éventuels où le risque d’expiation est exceptionnel, ou encore la question de savoir combien de fois l’homme peut-il recourir à la correction dans le cas où son épouse commet l’insoumission et l’obstination de façon répétée, et pendant combien de temps il lui sera permis de recourir à cette solution. Ce sont des points qui n’ont généralement pas été discutés en droit.
2- La correction corporelle ne conduirait généralement qu’à pousser la femme à faire preuve de plus d’hostilité, surtout lorsque cette correction n’est pas fondée : l’homme se retrouve dans une impasse, et la correction physique n’a plus d’effet dissuasif.
3- Une mesure violente conduit dans la plupart des cas à des réactions imprévisibles dues à la capacité de maîtrise de soi.
Il arrive souvent que la violence physique destinée à contraindre l’épouse à la soumission et à reprendre une relation affective n’aboutisse qu’à des résultats négatifs, comme l’installation d’un climat de tension
et de déchirement entre les époux, et à l’aggravation de la fracture affective, et à l’éloignement des chances de concorde et de reprise entre les époux.
4- Le recours à la force pour contraindre la femme à se soumettre ne conduit pas, sur le plan psychologique, à un résultat satisfaisant, de même la persistance dans cette voie conduit à affaiblir les liens conjugaux, alors que le fait pour le mari de se séparer de son épouse pour un temps est susceptible de l’inciter à méditer à réviser sincèrement son comportement, ses manières et ses attitudes, en dépit de la souffrance et des désagréments que cela pourrait causer pour la femme dans le cas où le retour à la situation normale tarderait à s’instaurer.
5- La dernière étape avant que règne la mésentente totale entre les époux, et que la situation conflictuelle prenne le dessus définitivement, est celle du divorce.
C’est une situation qui intervient après voir tenté les trois étapes.
L’époux prend conscience alors d’être arrivé dans une impasse, car aucune solution ne lui paraît susceptible de donner un résultat positif dans l’attitude de la femme.
Il envisage alors de mettre un terme à la relation conjugale de façon définitive.
Et c’est ce que l’on appelle le divorce.
Il n’y a désormais plus aucun moyen de faire marche arrière, de revenir à une vie conjugale normale, il y a épuisement de tous les recours.
La vie est devenue infernale entre les deux époux, et même l’usage de la violence à l’encontre de la femme n’y ferait rien.
6- Nous savons parfaitement que la consolidation de la relation conjugale, la fondation d’une famille stable font partie des objectifs premiers de l’islam en matière sociologique. Dès l’origine, l’islam a porté un intérêt au rang et au statut de la femme, et lui a reconnu ses droits et responsabilités au sein de la famille. Il n’a pas reconnu à l’époux le droit d’exercer des pressions sur son épouse pour l’accomplissement des tâches ménagères. Même au sujet de l’allaitement, l’épouse n’est nullement contrainte juridiquement parlant, d’allaiter son enfant. Elle peut exiger du mari qu’il lui verse une indemnité d’allaitement ou qu’il prenne une nourrice à ses frais.
Tenant compte de cette ambiance juridique concernant la femme, on peut facilement en déduire que le droit musulman ne permet pas à l’époux de recourir à la force, en cas d’insoumission.
Car l’esprit de l’islam vise à instaurer un climat familial empreint de chaleur, de sincérité et d’amour.
Le noble Prophète (sawas) a dit : «
Je m’étonne de celui qui bat sa femme…, car il mérite plus de recevoir des coups… Ne frappez pas vos épouses avec du bois, car cela entraînerait une situation de talion. Par contre frappez-les par la faim et le dénuement, afin de gagner ce monde et l’au-delà. »
Dans cette tradition, le Prophète (sawas) désavoue de façon générale de battre l’épouse, et appelle à suivre une autre voie en cas de conflit avec elle, si elle refuse de se plier à ses devoirs. Dans ce dernier cas, la récompense sera double, l’homme aura le bonheur ici-bas, car il n’aura fait aucun mal à son épouse, et il gagnera l’au-delà aussi, par voie de conséquence.
7- Pour conclure, nous dirons que dans le cas où l’on insisterait quand même sur le sens propre, réel, du verbe frapper qui figure dans le verset, à savoir qu’il s’agirait d’une punition corporelle infligée à la femme, il s’imposerait alors de dire que l’emploi de l’impératif dans la phrase « corrigez-la ! », n’implique pas une valeur obligatoire en cas d’insoumission de l’épouse.
Il est plutôt une façon d’orienter l’époux au cas où d’autres méthodes se seraient avérées vaines.
Mais il est évident en même temps que l’ambiance suggérée par les autres éléments de ce débat incite plutôt à suivre la voie de ‘‘l’embargo’’ économique, si l’on peut s’exprimer ainsi.
La correction serait alors une mesure à envisager comme une méthode visant à ramener la stabilité et le retour à la normale dans l’attitude de l’épouse.
De façon générale, il semble que cette question obéisse aux changements qui interviennent dans les sociétés.
Il est possible en effet que la correction corporelle infligée à l’épouse ait été considérée par certaines sociétés, à certains moments de leur histoire, comme une façon de résoudre le problème de ce que l’époux considère comme de l’insoumission, et qu’en revanche en d’autres moments, les hommes recourent plutôt à des méthodes plus douces, moins humiliantes pour la femme.
Le Coran nous fournit ainsi un autre exemple de son inimitabilité.